TÉLÉTRAVAIL : DE QUELLES PATHOLOGIES SE PROTÉGER
- mylene212
- 21 déc. 2020
- 6 min de lecture

Si le télétravail apparaît comme un vecteur de gain de temps et de qualité de vie, lorsqu'on observe de près ses conséquences sur l'hygiène de vie des télé-travailleurs, il en ressort bon nombre de pathologies, dont il faut se prémunir.
Manger plus, fumer plus, déprimer, dormir moins. Les symptômes apparus sont multiples et tous semblent être liés au Home Office. Ce nouvel emploi du temps fait cohabiter les sphères professionnelle et personnelle au même endroit, parfois dans la même pièce. Il peut avoir de multiples conséquences pour la santé :
1 / Stress et anxiété
« Tous les psychologues reçoivent en ce moment des appels liés au stress et à l’angoisse » commente Jean-Claude Girod, psychiatre à la Chartreuse de Dijon. « Cela peut porter sur plusieurs aspects : l’incertitude de ne pouvoir aller au bout de tel ou tel dossier sans se déplacer, la crainte de ne pas être aussi performant en restant chez soi, de ne pas répondre aux attentes de ses collègues ou de sa hiérarchie, ou alors, de ne pas savoir concilier les temps personnel et temps au travail » analyse-t-il.
2 / Déprime et hypersensibilité
Ressentir un épuisement professionnel n’est pas impossible. Mais il pourrait s'agir d’une forme de déprime. Il s'agirait d’une déprime plutôt somatique, en lien direct avec la possible crise économique annoncée par certains financiers. « On peut vite être à fleur de peau » analyse Virginie Maje, psychologue du travail. « Il suffit qu’un collègue oublie de prendre des nouvelles, ou que les chefs nous oublient dans des messages groupés et la personne se rabaisse automatiquement » précise-t-elle. « L’isolement est le plus gros facteur de déprime » confirme Véronique Maje. « Ça va du sentiment d’abandon, au manque de concentration, ou à l’impression de ne plus avoir la place sociale qu’on aimerait et ça débouche directement sur un manque de productivité, ou une insatisfaction au travail. » Pour s’en sortir, ces gens là doivent à tout prix trouver une activité agréable, à faire en complément de leur travail. « Quelle que soit l’occupation, il faut qu’ils se changent les idées au moins une demi-heure par jour » recommande la psychologue.
3 / Troubles du sommeil et des rythmes biologiques
« 30 % de gens se plaignent actuellement de leur sommeil, et 9 % d’entre eux sont en insomnies sévères, somatiques ou psychiques. Ces gens là risquent de dé-compenser » alerte le psychiatre Jean-Claude Girod.
Plusieurs formes de troubles sont alors visibles : fatigue chronique en journée, perte d’énergie, nuit fragmentée ou agitée, insomnies, ou grande difficulté à émerger. « Ce sont des petits symptômes torpides, qui peuvent apparaître chez tout le monde. Il faut impérativement que la pièce où l’on dort ne soit pas celle où l’on travaille. Et le télétravail doit s’arrêter au moins 2 heures avant d’aller se coucher » précise le psychiatre, qui exerce notamment à l’unité du sommeil, à Dijon
« Le danger, c’est de travailler tout le temps, de perdre le rythme habituel » précise la psychologue Virginie Fraisse. Selon elle, la grande difficulté est de ne plus dissocier les différentes étapes qui animent généralement une journée. « On se permet de sauter des repas ou de les décaler. On peut travailler tard le soir, ou ne pas mettre de réveil les matins, si on n’est pas tenus à des horaires de bureau. Tout cela est très piégeur ! Certains font même l’erreur d’alterner leurs journées classiques ! D’habitude, c’est le travail le jour et le temps avec les enfants en soirée et là, il y a des parents qui s’autorisent l’inverse, cela les dérègle totalement ! » ajoute-t-elle.
Pour le spécialiste de la performance mentale, Nicolas Dugay, l’arythmie est surtout liée à la soudaineté de la situation. « Il faut rappeler que le confinement est arrivé du jour au lendemain, donc le télétravail n’est pas passé par des phases d’adaptation. Normalement on a besoin de transition, là cela n’a pas été possible à cause de l’urgence sanitaire. On a coupé les ponts directement avec le monde extérieur et la vie d’avant » indique-t-il. « On a aussi perdu le temps de transport entre le travail et le domicile. Ce qui apparaissait comme pénible dans le quotidien des Français est finalement repensé comme quelque chose qui manque à leur rythme. C’est ce qui sert de sas de décompression, pour scinder systématiquement le travail et la maison. Ce sas a disparu ces temps-ci et cela bouleverse les repères beaucoup plus qu’on ne le pense ».
Le psychiatre Jean-Claude Girod confirme que la seule solution face à ces troubles est de garder les mêmes horaires de travail, ne pas trop "flemmarder" au lit le matin et de privilégier les pièces lumineuses pour travailler. « Je pense que le travail le matin dès qu’on est levé rend plus efficace, qu’après une multitude de tâches ménagères. Et si la fatigue se fait ressentir dans la journée, il n’est pas interdit de faire des siestes, mais 20 minutes, pas plus ! » conseille-t-il. « Sinon, il y a effectivement un risque de maladies silencieuses, qui peuvent finir par se développer, comme l’hypertension ou les AVC. Ou alors, l’installation définitive de ce qu’on appelle les faux amis, c’est à dire les addictions à l’alcool, la cigarette ou la drogue » ajoute le psychiatre de la Chartreuse.
4/ Prise de poids et troubles alimentaires :
Décaler ses horaires de travail, peut provoquer de l’arythmie, avec les repas plus tardifs que d’habitude. Mais il faut aussi s’inquiéter en cas de grignotage incontrôlé, ou au contraire, d'oubli de manger.
« J’ai au moins 5 nouveaux patients avec des troubles alimentaires liés directement au télétravail, et 7 patientes qui soudainement n’arrivent plus à maigrir » indique Virginie Fraisse, psychologue spécialisée en troubles de l’alimentation. «La plupart d’entre eux travaillent dans une pièce qui est forcément près de la cuisine, cela suffit pour devenir une tentation. Entre deux réunions, entre deux coups de fils, ou alors pour tuer l’ennui en cas de faible activité, et même sans ressentir la faim, les patients se disent plus rassurés en ayant des choses agréables à manger. Comme si c’était une consolation vitale pour mieux faire face à la situation » détaille-t-elle.
L’autre difficulté peut venir des soirées plus longues que d’habitude, où l’on prend volontiers un chocolat, une sucrerie ou une autre part de dessert. « On pense que c’est une bonne chose, pour le moral, pour décompresser de la journée de télétravail. Mais c’est une heure où le corps est normalement au repos, il ne faut pas y rajouter des aliments » poursuit la psychologue.
5/ Mauvaise posture, troubles digestifs et fatigue visuelle :
C’est clairement un problème d’ergonomie. Le travail à la maison n’étant pas rythmé de la même façon, il peut arriver que le manque de mouvements et de déplacements perturbe l’organisme. « Rester assis plusieurs heures de suite devant l’ordinateur, c’est contraignant comme posture, mais en plus, certains changent d’emplacement, pour aller sur le canapé ou s’allonger dans le lit. C’est une erreur. Les muscles fondent, ou ne sont pas suffisamment oxygénés. » indique le médecin généraliste Anne-Laure Bonis.
Les vrais risques physiques d’après elle, c’est de souffrir de courbatures dans le cou et les épaules, de douleurs au dos, qui pourraient déclencher des cervicalgies ou des phlébites. « Pour certains, c’est aussi le transit qui peut être impacté, du fait de rester assis. Il n’est pas rare, en ce moment, que les constipations de nos patients soient liées au télétravail » précise le médecin.
Anne-Laure Bonis constate aussi des cas de fatigue visuelle. « Fixer l’écran d’un ordinateur portable provoque des tensions physiques, il peut aussi y avoir des maux de tête, une vue brouillée et une sécheresse oculaire » ajoute-t-elle. Ce sont vraiment des symptômes courants lorsque l’on reste trop longtemps devant les lumières bleues des écrans. Il faut penser à reposer sa vue et profiter au maximum de la lumière du jour, dans des pièces lumineuses. »
6/ Perte d’estime de soi et négligences physiques :
D’après Nicolas Dugay, spécialiste de la performance mentale, c’est un problème étroitement lié à la frustration de devoir rester confiner. « On devient je m’en foutiste, on est déçu de ne voir personne, alors on se dit que cela ne sert à rien de faire des efforts de beauté » analyse-t-il.
La psychologue Véronique Maje précise que les femmes sont plus touchées actuellement. « La tentation est grande de mettre moins de maquillage, de se laver moins les cheveux, ou de porter des habits confortables loin des critères de mode, et c’est une spirale qui commence, on s’aime moins, on néglige notre hygiène, et on se dit qu’on n’est plus la personne qu’on était en situation de travail. On peut vite se rabaisser, se dénigrer et perdre en confiance ou en estime de soi » indique-t-elle.
« Mentalement, cela peut aussi envahir le cerveau », précise Nicolas Dugay. « Je ne ressemble à rien, je suis frustrée, je découvre des imperfections physiques qui deviennent envahissantes ou problématiques, et j’ai un sentiment de frustration permanente, décrit-il. Cela peut même laisser place à des incohérences, car la vie extérieure nous manque, mais en même temps on ne s’aime plus et ne veux plus sortir au monde avec ce mal-être, comme une sorte d’appréhension autour du dé-confinement ».
Psychologiquement, pour ce coach mental, la seule solution serait de se forcer à avoir des projets. « Non pas pour le 11 mai nécessairement, mais dans 5 ans, 3 ans, 1 ans et 6 mois. Avoir plusieurs objectifs ou idées en tête, se fixer d’autres échéances, que celle qui approche et qui pourrait être redoutée, pour se concentrer vers les éventuelles réjouissances à venir » conclut-il.



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